Sommaire
Debout là-dedans, l’agence d’interim Acquisitions Incorporated a du boulot pour vous ! Ce n’est peut-être pas le travail le plus valorisant de votre carrière, ni le plus sûr (on nous a informé qu’un dragon rôdait dans les parages) mais il y a plein de blé à se faire ! Vous serez payés à la performance, alors ne papotez pas trop avec vos collègues. Et rentrez encore moins en contact avec les intérimaires de l’agence adverse, les Entreprises Dran, car ils ne partageront certainement pas leur part du butin.
Maintenant, contentez-vous de voler tout ce que vous pouvez. Après tout c’est votre spécialité, non ?
Rapide coup d’œil
Sorti en juin 2021
Environ 2 heures
2 à 4 joueurs
À partir de 13 ans
Version legacy (et rejouable) de Clank!, Acquisitions Incorporated s’inscrit dans la droite lignée du célèbre jeu de deckbuilding, en en reprenant largement les mécaniques de base. Il vient toutefois grandement l’étoffer par une quantité folle de matériel et de storytelling. Il se situe dans un univers héroic-fantasy, proche du Clank! classique.
La campagne comprend 10 parties, dont les deux tiers se jouent sur la face A (Haut Monde) du plateau et le dernier tiers sur la B (Bas Monde). Dès la 11ème partie, il est possible de rejouer au jeu (alors personnalisé) à l’infini.
Pour des potes fan de Clank! et d’autocollants, qui veulent se marrer et se tirer dans les pattes tout au long d’une dizaine de parties, et plus si affinités.
Créé par Andy Clautice et Paul Dennen.
Aux éditions Renegade Game Studio.
Présentation et règles
Presque pas de nouveautés à première vue : on reprend les règles de Clank! premier du nom, et on enjolive le tout de quelques figurines et de 2-3 jetons supplémentaires. Des petites subtilités font qu’il est bon de (re)lire les règles quand même, mais rien de trop compliqué.
Pour les non-habitués de la franchise, il s’agit donc toujours d’explorer un donjon dans le but de prendre un artefact, puis de remonter à la surface pour activer son comptage de points, tout en déclenchant le décompte de fin de partie si on est le premier rescapé. Vaudra-t-il mieux descendre très bas dans le donjon pour se procurer un artefact avec une grande valeur en points de victoire, en risquant de ne jamais avoir le temps de remonter à la surface, ou sera-t-il plus judicieux de se contenter d’un plus petit artefact pour s’en sortir vivant ? Il va sans dire que ceux qui périront dans le donjon finiront avec un solde de points nul. Chaque aventurier commence la partie avec un deck de base de 10 cartes, et on joue comme dans un deckbuilding classique (je pioche 5 cartes, je les joue, les défausse et en re-pioche 5 autres au tour suivant, etc.) avec 3 actions possibles : se déplacer, attaquer un monstre sur le chemin et acheter de nouvelles cartes. Les cartes valent aussi des points de victoire en fin de partie. Simple. Mais, c’est sans compter sur le dragon protégeant le donjon ! Quand on fait du bruit ( = du clank), c’est-à-dire dès qu’on attrape un artefact ou un œuf de dragon, il s’énerve et vient nous brûler des points de vie. Encore plus de raisons de mourir prématurément dans ce maudit donjon.
Mais revenons à nos moutons, Clank! Legacy. En quoi est-ce si différent ? Eh bien parce qu’… on remarque d’énormes trous dans le livret de règles. Pourquoi ? Pour rajouter nombre de nouveaux gameplays au fil des 10 parties que compte la campagne, pardi ! On ne va pas trop spoiler ici, mais il s’agira de nouveaux lieux (avec leurs nouvelles règles), de cartes évènement agrémentant la rivière de cartes, de nouveaux cubes (blancs !), d’objectifs de fin de parties, etc.
Mais ce qui va vraiment faire la différence, et qui n’est que suggéré au début de la campagne, c’est l’aspect très très narratif du jeu. Vous allez faire des allers-retours incessants au Grimoire des Secrets, sorte de grand feuillet organisé par chapitres, et dont la lecture se déclenche quand vous arrivez sur une case particulière ou réalisez tel ou tel exploit. Il vous sera alors permis de parler à des personnages de l’univers du jeu, de faire entrer de nouveaux éléments en jeu, de vous voir attribuer de nouveaux objectifs, d’agrandir la zone de jeu, etc. Cela rajoute énormément de contexte au jeu de base, le rendant beaucoup moins mécanique et ajoutant une belle couche d’aventure. Cependant, ces lectures vont vite considérablement rallonger le temps de jeu et venir régulièrement couper les actions. Les paragraphes à rallonge peuvent vite vous faire sortir du gameplay, tandis que vous passerez sans doute plus de temps à coller des autocollants qu’à jouer des cartes.
Et qui dit narratif, dit aussi univers. Ici le thème et le vocabulaire propres à la narration du jeu vont certainement étonner les habitués de Clank!. En effet, il ne s’agit plus d’être de simples aventuriers explorant un donjon… vous faites maintenant partie d’une corporation, avec toutes les implications que cela comporte : vous avez un « Grand Patron », des stagiaires, une entreprise concurrente, etc. On est dans un mélange d’heroic fantasy et de The Office un peu déroutant. Mais, heureusement, dans Clank! Legacy on ne se prend pas (du tout) au sérieux ! Beaucoup de fluff est rajouté pour l’immersion, et nombre d’actions n’ont pas de réelles conséquences sur le jeu : on est là pour s’amuser ! Et c’est bien cet état d’esprit qu’on adore dans Clank! !
Mon avis
Commençons par la forme.
Clank! Legacy c’est une boîte énorme… et une boîte très chère. On est à du X3 par rapport au prix d’un Clank! classique. On a un gros travail sur le matériel et un ajout considérable de gameplay, mais cela justifie-t-il une telle augmentation ?
Une fois qu’on ouvre la boîte, on se rend compte que le matériel a été largement amélioré. J’ai toujours déploré le manque de lisibilité du Clank! classique : ici on comprend enfin quelque chose au plateau et c’est enfin beau ! Les illustrations et le graphisme (tant sur le plateau que sur les cartes) ont été largement revus, et ça fait du bien. Cependant, tout cela risque vite d’être un peu dégueulassé par vos soins… En effet, vous verrez que le plateau est très vide et qu’il faudra y coller nombre d’autocollants au fil des parties pour le compléter. Or, sur une surface telle, comment coller droit ? C’est quasi mission impossible et cela remplira d’angoisses nos amis ludistes maniaques. Et il en ira de même pour votre livret de règles, sur lequel vous collerez nombre d’autres autocollants pour rajouter des règles extra. Le papier se plisse, le texte n’est plus droit, sueurs froides. Est-ce qu’il n’aurait pas été mieux, surtout pour ce prix, et surtout pour un jeu rejouable, de décoller une couche de papier accolée sur les endroits clés des règles (comme cela a été fait pour Le dilemme du Roi) ou de creuser directement dans le plateau (comme le réalise à merveille, et pour pas si cher, le jeu Robin des Bois) ?
Passons au fond maintenant.
Clank! Legacy est un jeu très dense. On se demande vite comment 10 parties suffiront à créer deux plateaux de jeux, à compléter un livret de règles d’une quinzaine de pages et à lire 189 chapitres du Grimoire des Secrets. Point positif, on ne s’ennuiera pas un seul instant ! Il y a énormément de choses à faire, de missions secondaires à accomplir, d’endroits à explorer, d’objets à trouver, de nouvelles cartes à intégrer au jeu… et il y a très peu de redondance. La campagne va passer très très vite.
Toutefois, cela entraine aussi son lot de points négatifs. Comme déjà mentionné, il va falloir développer une belle superficie de plateau et venir à bout de beaucoup de matériel emballé ou de chapitres pas encore lus : et ça, ça prend énormément de temps de jeu. Chercher « la planche d’autocollants G, encadré 33 » ça casse un peu l’immersion. Surtout que ces collages incessants surviennent à tous moments de la partie, et pas juste à la fin ! Passé la surprise du début, c’est un peu long. Heureusement, de belles trouvailles (de nouvelles mécaniques surtout) font parfois un peu oublier ça.
De plus, Clank! est par son essence même un jeu où on se fait des sales coups. Un jeu où on laisse ses adversaires fouiller les fonds du donjon pour vite se faire la malle avec un artefact à bas coût, mettre fin à la partie prématurément et s’assurer la victoire. Le problème c’est qu’ici on n’a que 10 parties pour venir à bout de toutes les explorations, toutes les missions secondaires et tout le reste. Donc il va falloir un minimum coopérer pour en laisser certains explorer le bas de la carte, en vue de la développer. Mais en même temps, imaginez si cela leur permet de faire plus de points que vous ?! Eh oui, Clank! ce n’est pas vraiment un jeu coopératif non plus. Alors que faire… rusher pour gagner, mais tuer l’intrigue ? Ralentir pour profiter de l’intrigue, mais perdre de vue le but du jeu ? Meh.
Conclusion : alors, Clank! ou Clank! Legacy ?
Tout va dépendre de votre groupe de jeu et de votre implication en tant que joueur. Là où Clank! est un jeu familial, très compétitif et rapide, Clank! Legacy est un jeu plus initié, semi-compétitif et assez long. Vous vous engagez tout de même pour 10 parties minimum avec le même groupe de joueurs. Heureusement pour vous, ça marche très bien à 2 comme à 3 et comme à 4… donc a priori le groupe sera facile à constituer et à garder. Et 10 parties, c’est juste la bonne longueur pour profiter de toute la densité du jeu, sans se lasser.
Mais l’implication ne se fera pas non plus que sur la durée, elle se fera aussi sur l’étude et la mémorisation des règles. En effet, nombre de nouvelles mécaniques sont ajoutées à chaque partie, allant avec leur lot de nouvelles règles. Il ne faudra donc pas négliger la ré-assimilation des règles à chaque début de nouvelle partie, surtout si vous les espacez dans le temps. Le gameplay devient vite beaucoup plus dense que le Clank! de base.
Côté visuel, il va s’en dire que l’objet est bien plus beau chez Clank! Legacy : c’est lisible, on a des figurines, du matos, etc. Mais c’est plus cher aussi.
Côté narration, il y a un vrai travail dans la version legacy. C’est écrit à merveille et l’humour est très présent, ainsi que le thème. Heureusement, car vous passerez quelques heures à lire. Et quelques heures à rire aussi.
Côté gameplay, il faut avouer que certaines nouveautés sont très sympas. Est-ce que rejouer au Clank! de base après le legacy ne semblera pas un peu fade ? En tous cas, les fans de Clank! ne doivent pas s’inquiéter : la version legacy apporte une vraie plus-value mécanique et un beau renouveau au jeu. Contrairement à un Aeon’s End legacy, ici on démarre avec toutes les mécaniques de Clank!, et on ne fait que rajouter encore des choses.
Mais alors, n’est-ce pas trop compliqué pour des gens qui ne connaissent pas Clank! ? Si, un peu. Je conseille vivement de faire déjà quelques parties de Clank! avant. Ne serait-ce que pour voir si le jeu vous plait : auquel cas, foncez sur le legacy si vous avez le temps (et l’argent). Si pas, abstenez-vous. Ensuite, cela vous évitera d’être trop vite assommés par une profusion d’effets spéciaux et de fluff pas toujours utiles dès votre première partie.
Quant à la rejouabilité, à vrai dire je me demande si elle est réelle pour ceux qui n’ont pas fait la campagne… ça fait beaucoup (trop) de règles d’un coup, non ? Il faudra sans doute encore se réunir avec le même groupe de potes pour y rejouer.
Et niveau difficulté, qu’est-ce que ça donne ? Eh bien, ce qui nous a rapidement choqués est que le legacy est punitif, là où le jeu de base reste toujours fun. Vous perdez la partie ? Boum, un malus pour la prochaine. On a aussi eu le cas d’un joueur s’étant mis involontairement en difficulté en suivant une quête secondaire… qui lui a tout bonnement fait perdre son artefact et donc la partie. Violent. Maintenant, ceci est à nuancer quand même car notre deck de cartes reste sensiblement le même d’une partie à l’autre, ce qui permet d’éviter que de mauvais choix de cartes n’aient de répercussion sur d’autres parties. On repart presque à zéro d’une fois à l’autre.
Les plus
Les moins
- La version legacy d’un classique du deckbuilding
- Un jeu totalement personnalisable
- Un legacy rejouable !
- De chouettes nouveautés, même pour les addicts de Clank!
- Une grande densité de gameplay
- Un deck personnel qui évolue au fil des parties
- Une lisibilité et une esthétique accrue
- Un ton drôlement décalé
- Une bonne immersion
- Énormément de fun !
- Le prix
- Une longue ré-assimilation des règles avant chaque partie
- Un jeu parfois trop punitif
- Trop d’autocollants tue l’autocollant.
- Une personnalisation cracra : autocollants de travers et règles gondolées
- La rejouabilité post-legacy : pour qui ?