Pour ceux ou celles qui ne le savent pas, je suis professeur dans un athénée bruxellois et depuis cette rentrée scolaire, je porte un très grand intérêt à l’implication du jeu de société dans les démarches pédagogiques ! Dans la première partie de l’article, je vais aborder la question de l’impact du jeu dans les apprentissages et dans la seconde partie, je présenterai « Just One » de repos production comme jeu et outil pédagogique.
Au quotidien, je suis confronté à des élèves qui ne sont pas motivés et l’explication qu’ils donnent : « Je n’aime pas l’école ». Pour moi, derrière cette phrase que l’on prend souvent pour un manque de volonté, d’investissement et d’envie d’apprendre, se cache simplement un manque d’assurance de l’élève dans ses capacités.
Alors, nous avons eu une vague « informatique » dans une majorité des écoles qui ont été équipées de tableau interactif, de superbes salles informatiques. Ici, je ne critique pas, c’est nécessaire, nous nous devons d’intégrer le numérique dans nos pratiques car il est porteur d’avenir ! Mais, ne faudrait-il pas aussi développer un espace de « déconnection » ? Des études démontrent l’impact néfaste de l’exposition prolongée face à un écran. Ici, les élèves quittent leur smartphone à l’entrée de l’école pour se replonger face à un écran.
Pour moi, il est important d’organiser des moments de coupure avec ces « écrans » et en instaurant une pédagogie des apprentissages par le jeu de société. Pourquoi ? De nombreux psychopédagogues ont montré l’influence positive du jeu dans le développement de la concentration, des compétences, d’attitudes positives dans le cadre du vivre-ensemble et surtout le redéploiement d’une motivation intrinsèque.
C’est ce dernier aspect qui est le plus fondamental car il est le pilier du développement des autres. Si l’élève ne ressent pas « l’envie de », il sera incapable de développer des apprentissages ou autre. Le jeu de société permet de redonner de la motivation à l’élève car il lui redonne confiance en lui et dans ses capacités. Comment ?
Tout d’abord, le jeu va permettre à l’élève de se mettre dans une situation autre que l’école. Il ne faut pas nier que l’école exerce une pression « invisible/mental » sur l’élève par rapport à sa réussite et qu’elle repose entièrement sur ses épaules. Le jeu va permettre à l’élève de se transposer dans une autre situation où les actions prises auront bien entendu un impact sur la réussite ou non de la partie mais l’erreur est autorisée sans être sanctionnée. L’élève peut réaliser le nombre de parties qu’ils souhaitent et ne pas gagner l’une d’entre elles, il ne sera jamais sanctionné ! De plus, il est plus que probable que l’élève développe des mécaniques, des stratégies d’apprentissages afin de remporter la partie. C’est cet aspect qui pourra redonner confiance à un élève en manque de motivation ou en décrochage scolaire.
Ensuite, dans le cadre de la pédagogie par le jeu, la position professeur-élève change car l’enseignant peut aussi prendre part à une partie et être amené à ne pas y arriver. C’est un point important car cela démontre à l’élève que l’enseignant est une personne faillible. Nous nous retrouvons dans une relation horizontale entre le professeur et l’élève où nous n’avons plus l’un qui sait et l’autre qui doit apprendre à savoir.
Enfin, le jeu est un excellent outil pour développer l’apprentissage de différentes compétences mais aussi la notion de vivre-ensemble. L’apprentissage des compétences est dépendant du jeu que l’on sélectionne. Certains porteront plus sur des jeux de langage alors que d’autres seront plus orienté vers une logique mathématique. Comme expliqué dans le livre « Motivez les enfants par le jeu » de Renaud Keymeulen, Michel Van Langendonckt et Coralie Massin, on peut déterminer la forme d’intelligence prépondérante d’un élève via les jeux qu’il sélectionnera et avec lequel il est à son aise. Dans un premier temps, cela lui permettra de prendre confiance en lui et de renforcer sa motivation. Dans un second temps, il est intéressant de lui proposer des jeux développant d’autres formes d’intelligence aussi. Si dans le cadre de votre école, vous souhaitez développer la pédagogie par le jeu, je vous invite à lire ce livre qui vous donnera des pistes de réflexion intéressante mais aussi des listes de jeux en fonction des intelligences multiples.
Just One en tant que Party Game
Maintenant, j’ai le plaisir de vous présenter le jeu « Just One » de Repos Production et distribué par Asmodée. Je vais présenter le jeu dans son aspect « Party Game » et je terminerai par son aspect pédagogique incontestable. Un point important que je viens de vivre, ce jeu fascine mon chat… Ne vous étonnez pas de le voir sur l’une ou l’autre photo, j’ai un chat ludiste ^^
Il faut savoir que Just One créé par Ludovic Roudy et Bruno Sautter, est un jeu qui existait sous un autre nom « We Are The Word ». Repos Production l’a racheté, a amélioré son contenu et lui a redonné un visuel tout neuf et tout beau.
Le titre « Just One » laisse sous-entendre le fonctionnement du jeu… Dans une partie qui peut aller de 3 à 7 joueurs (pour les plus de 8 ans), l’un des joueurs devra deviner un mot (inscrit sur une carte) grâce aux autres joueurs. Pour cela, les joueurs disposent de plaquettes et de marqueurs effaçables et vont devoir inscrire secrètement un terme chacun sur leur plaquette en lien avec le mot qu’ils doivent faire découvrir. Mais, il y a un petit « Hic », les joueurs ayant inscrits les mêmes termes ne peuvent pas montrer leurs réponses au joueur devant trouver le mot.
Une partie se joue en 13 manches équivalent à 13 mots différents et donc le joueur se rapprochant le plus de 13 remporte la partie. Attention, une réponse correcte, vous donne 1 point mais une mauvaise réponse, vous en fait perdre 2 ! Une partie se déroule selon cet ordre :
- Le joueur devant deviner pioche une carte et la poste sur son chevalet face cachée pour lui et face visible pour les autres joueurs. Sur cette carte, il y a toujours 5 mots numérotés de 1 à 5. Le joueur dit un nombre entre 1 et 5 signifiants le terme qu’il doit trouver.
- Les joueurs devant faire deviner utilisent leurs marqueurs effaçables et note un mot sur le chevalet sans concertation possible. Ce terme doit permettre de faire deviner le mot sélectionné, évidemment.
- Les joueurs ayant tous inscrits un mot sur leur chevalet se montre mutuellement leurs réponses. Si dans les réponses, il y a des termes identiques, on les supprime de la partie.
- Le joueur doit deviner le terme grâce aux réponses des autres joueurs.
Au premier abord, on peut se dire que c’est un party game avec peu de stratégie. On se dit que l’on doit juste faire deviner des mots à un autre… Mais, après plusieurs parties, Just One dévoile son côté stratégique. Vous serez amené à vous dire « Mais qu’est-ce que l’autre pense actuellement ? » – « Je le connais bien, il ne mettra jamais ce mot-là » ! Et c’est dans ce cas de figure que l’on va commencer à mettre des mots que l’on n’aurait pas mis de prime abord, plus abstrait ou plus éloigné du mot afin de ne pas se faire éliminer. En gros, votre stratégie va changer en fonction des personnes autour de la table, si vous vous connaissez super biens, vous aurez tendance à mettre des références communes par exemple. C’est cette mécanique sous-jacente que nous avons appréciée, nous lui donnons la note de 8/10.
Comme tout bon party game qui se respecte, il faut qu’il y ait de l’interaction ! Et c’est le cas, nous lui donnons un 9/10 sur ce point. Nous nous demandions, si ce jeu n’allait pas être trop silencieux car on doit réfléchir au terme que l’on inscrit en secret. Et c’est vrai que durant ce moment, on ne parle pas mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de l’interaction non verbale… On regarde son voisin, on voit qu’il galère à trouver son mot, on regarde sa voisine, elle a l’air sur d’elle… On se dit qu’elle a mis un mot facile ! Et puis, c’est la découverte des mots et on se marre ! Maintenant, si vous voulez un peu pimenter le jeu, rien ne vous interdit de mettre un timer durant cette phase, on a testé et c’est aussi drôle mais beaucoup plus nerveux.
Pour finir, nous terminerons sur le matériel et l’aspect graphique avec un 8/10. Nous n’allons pas nous étaler sur l’aspect graphique, il est bien repensé, il est dans l’air du temps, c’est coloré, c’est fun. Nous voulons insister sur la qualité du matériel surtout dans le cas où l’on joue avec des marqueurs effaçables… C’est toujours une hantise car vous le savez bien, on a toujours peur que cela ne s’efface pas correctement. Ici, ce n’est pas le cas, tout s’enlève sans problème et même après plusieurs parties. La plaquette est nickel et nous avons apprécié la présence d’effaceur sur le marqueur, c’est pratique. Pour terminer, les cartes sont de qualité et en nombre (110 cartes et donc 550 mots). Je termine l’analyse du jeu par deux photos de mon chat ludiste… Si vous en avez un, vous pouvez être sur qu’il va adorer ce jeu mais surtout les marqueurs (voir la vidéo) ^^
Maintenant, quelle est sa plus-value pédagogique ?
Ce jeu est parfait pour l’ensemble des cours de langue, même le cours de français (et encore plus le cours de Français Langue Etrangère) et ce avec le jeu tel qu’il est ! Avec vos classes, vous pourrez travailler et développer le vocabulaire de vos élèves tout en s’amusant. Comment ?
Vous reprenez exactement le même tour de jeu que celui inscrit dans les règles. Je vous les remets avec en gras l’utilisation pédagogique.
Une partie se déroule selon cet ordre :
- Le joueur devant deviner pioche une carte et la poste sur son chevalet face cachée pour lui et face visible pour les autres joueurs. Sur cette carte, il y a toujours 5 mots numérotés de 1 à 5. Le joueur dit un nombre entre 1 et 5 signifiants le terme qu’il doit trouver. Ici, le terme reste en français, donc vous utilisez le paquet de cartes tel qu’il est dans la boîte.
- Les joueurs devant faire deviner utilisent leurs marqueurs effaçables et note un mot sur le chevalet sans concertation possible. Ce terme doit permettre de faire deviner le mot sélectionné, évidemment. Ici, les élèves doivent utiliser un terme dans la langue du cours (anglais, néerlandais, Italien ou autre). Si vous travaillez avec des élèves débutant dans la langue, vous pouvez mettre à leur disposition un dictionnaire pour les premières parties.
- Les joueurs ayant tous inscrits un mot sur leur chevalet se montre mutuellement leurs réponses. Si dans les réponses, il y a des termes identiques, on les supprime de la partie.
- Le joueur doit deviner le terme grâce aux réponses des autres joueurs. Le joueur devine le mot grâce aux termes dans la langue du cours mais, lui, doit donner le terme en français. Durant cette phase, vous pouvez demander à l’élève de lire les mots inscrits afin de vérifier sa prononciation. Si, l’élève ne connaît pas le terme inscrit, il peut soit aller au dictionnaire (attention, cela pourrait faire retomber la motivation) ou demander à celui qui l’a inscrit de donner sa traduction (je préconise cette méthode plus interactive).
Aux termes des différentes phases de jeu, vous pouvez demander aux élèves de construire un lexique « Just One » afin d’étendre le panel de mots en vue des rédactions, compréhension à la lecture, etc.
Pour terminer, « Just One » est un jeu développant l’imagination, permettant la construction de stratégie le tout agrémenté de bonnes rigolades. Il est accessible par tout le monde et ravira tout autant les joueurs, la famille, les ami(e)s que les élèves dans le cadre d’un cours.