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Feelinks & Révélation, du fun, du fun et encore du fun ! Mais, pas seulement…

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Ces dernières semaines, vous avez, peut-être, vu apparaître sur les réseaux sociaux l’extension de Feelinks portant le doux nom de « Révélations ». L’auteur du jeu, Vincent Bidault & Jean-Louis Roubira (pour le jeu de base) vous offre une nouvelle expérience ludique avec cette extension mais surtout elle est destinée à un public plus mature.

Je ne vais pas m’étendre sur le côté ludique, indispensable à avoir à l’esprit pour la suite de l’article, mais je souhaite réaliser un véritable focus sur son aspect éducatif tant que formel et informel. En d’autres termes, ce jeu a une réelle portée dépassant le cadre du jeu tant dans la sphère éducative à l’école qu’à domicile.

Avant de nous lancer dans la réflexion, donnons le cadre de ce jeu où vous devrez parler de vos émotions par rapport à une situation. Autour de la table, vous placerez différentes émotions avec dans la version de base allant de la gêne au dégoût en passant par l’amusement. Ensuite, vous choisissez d’évoquer une situation parmi celle proposée sur différents paquets de cartes intitulés « Famille », « à l’école » et « Entre amis ». Chaque joueur choisira l’émotion qu’il ressentirait face à cette situation mais pour marquer des points, vous devrez deviner l’émotion que l’autre a choisi.

Un jeu d’une grande simplicité dans sa mécanique mais d’une grande profondeur dans l’impact qu’il opère sur les joueurs. Vous allez pouvoir développer le potentiel « empathie » des joueurs. Maintenant, revenons-en à son intérêt éducatif dans un cadre tout spécifique, celui de la médiation et du harcèlement scolaire.

J’avais pré-senti son potentiel dans le cadre de la médiation et ce « Feelinks » m’a été confirmé dernièrement à la lecture d’un article scientifique abordant l’impact de ce jeu dans le cadre de la médiation. Dans la suite de l’article, je vais utiliser des passages de cet article écrit par Fougeret-Linlaud V., Catheline N, Chabaud F., & Gicquel, L. (2016). Le harcèlement scolaire entre pairs. A propos d’une étude en Vienne visant à évaluer l’apport d’un support ludique mettant en jeu les émotions. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 64, 216-223.

Avant d’en arriver à des conclusions, il est important de comprendre la sincère utilité de ce jeu dans le cadre du harcèlement. Il nous est dit [dans l’article] en parlant du harcèlement que « L’échec de la dynamique de groupe, l’incapacité à verbaliser ses émotions, la difficulté à se mettre à la place de l’autre sont des éléments clefs dans le harcèlement scolaire ». Il est plus qu’évident que le jeu développé par les auteurs et édité chez Act In Games a une réelle plus-value dans ce type de situation. Bien entendu, le jeu est un outil et il est indispensable qu’il soit utilisé par des professionnelles c’est-à-dire des médiateurs.

Quel est le rôle du médiateur scolaire ?

Il est important de souligner que dans le cadre de l’école le médiateur aura un rôle de tiers au sein de l’institution afin qu’il puisse être un facilitateur de dialogue. Il doit avoir une prise de recul sur conflit ainsi qu’un regard externe afin d’installer un respect mutuel dans le dialogue lors des échanges avec les individus impliqués dans le conflit. Sans oublier que la solution ne doit pas venir du médiateur mais bien des protagonistes. Le médiateur se doit d’être un accompagnateur sur le chemin amenant à l’apaisement du conflit.

Quel est le rôle de Feelinks dans le travail du médiateur scolaire ?

La force du jeu recèle dans sa capacité à mettre les protagonistes dans une situation d’empathie sans pour autant qu’il ne doit se mettre à nu face à un individu extérieur. Ce jeu permet deux actions. D’un côté, il est un outil d’introspection et de travail réflexif sur ses actions tant du côté du dominant que du dominé car il est clair que le phénomène de harcèlement est une dynamique de groupe. De l’autre, le fait de passer via le jeu de société, cela permet de transposer le conflit dans un objet extérieur à la situation.

Un des arguments en faveur de son utilisation dans le cadre de la médiation scolaire est « Une diminution de la victimisation est mise en évidence. Les élèves harceleurs sont aussi moins nombreux en fin d’étude. »

Maintenant, si vous voulez travailler les émotions ou certaines questions « difficiles » dans le cadre de vos cours, je vous invite à vous rendre sur le site [Un jeu] Dans ma classe (actuellement en construction) où vous trouverez des fiches vous aidant pas à pas dans la mise en place d’activités à l’aide de la boîte de jeu.

Quand et comment l’utiliser en classe ?

La meilleure des situations, c’est dans le cadre d’un atelier mis en place à l’aide d’un médiateur. Maintenant, l’ensemble des écoles n’ont pas un médiateur sur place ou certaines situations peuvent être prises en charge par l’enseignant (ou un groupe d’enseignants) lui-même.

Dans le second cas, lorsque vous utilisez Feelinks en classe, l’objectif n’est pas de scorer et de suivre au millimètre près la règle du jeu. L’objectif est surtout de désamorcer la situation pour que le climat de classe soit à nouveau serein.

La première règle est d’abord de savoir si les élèves souhaitent une médiation au sujet de la situation. Dans le cas où les élèves refusent la discussion, il ne faut surtout pas obliger à en parler mais les amener à exprimer les raisons de leurs refus. Si au cours de cette première approche, les jeunes sont catégoriques et refusent toutes interventions de l’enseignant, vous devez passer à autre chose. Il est fort probable qu’ils viennent vous trouver quelques temps plus tard pour en discuter. S’ils ne reviennent pas, logiquement, c’est que la situation s’est apaisée d’elle-même. Mais, dans aucun cas, il ne faut forcer la médiation car celle-ci ne serait pas efficiente.

Dans le cas où les jeunes sont demandeurs, lancez-vous dans le jeu en adaptant les règles en supprimant des étapes. L’objectif est qu’ils communiquent sur leurs émotions face à la situation et qu’ils prennent conscience que les autres éprouvent aussi un ressenti. L’étape 7 de la règle du jeu devra être suivie d’une discussion entre les jeunes avec vous comme modérateur.

Une dernière chose est de ne pas se lancer dans la situation vécue par les élèves directement. Il est important en premier lieu de réaliser une tour avec une des situations proposées dans le paquet de cartes. D’une part, les jeunes comprennent le principe du tour de table mais aussi, ils sont mis à l’aise et cela permet de rentrer en douceur dans le sujet tout en leur permettant, déjà, de prendre conscience que d’autres personnes éprouvent des émotions identiques ou différentes à la sienne face à la même situation.

Et la version Révélations, on peut l’utiliser en classe ?

Bien entendu ! Et, il faut !!! Mais, il faudra le faire avec connaissance de son public et de la thématique que vous souhaitez aborder. En effet, avec cette extension, on part sur des thèmes beaucoup plus adultes mais tellement d’actualité #MeToo, #BalanceTonPorc ou encore la question des féminicides. Autant de sujet d’actualité brûlant auquel vous devez éveiller vos élèves. Surtout que c’est dans l’obligation de l’école de mettre en place un projet d’EVRAS ou Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle.

La plupart du temps, les écoles relèguent ce projet dans le cadre du cours de sciences de deuxième avec le thème sur la reproduction ou encore à des ASBL extérieur comme l’Organisation de Jeunesse O’Yes (anciennement Sida SOS). Dans le second cas, l’OJ que je vous mentionne est totalement compétente et reconnue par différentes institutions et je vous la recommande vivement. Dans le premier cas de figure, le professeur de sciences est habilité à expliquer l’aspect mécanique et scientifique de la reproduction mais pas pour autant outiller pour questionner l’aspect émotionnel, relationnel et affectif.

Par exemple, sur les cartes, vous aurez des situations comme « Vous recevez régulièrement des selfies érotiques de la part d’un-e inconu-e » ou encore « On vous proposer une expérience sexuelle en réalité virtuelle ». Il est clair que ce sont des thèmes qui peuvent faire peur à aborder avec des jeunes mais ce sont des situations auxquelles ils pourront être confrontés un jour s’ils ne l’ont pas déjà été. Il est important de souligner tout de même trois éléments par rapport à son introduction dans l’école :

  1. Il faut absolument que l’enseignant sélectionne les cartes au préalable car il y a certaines propositions qui ne sont pas utiles dans le cadre de l’école secondaire comme « Pour pimenter votre vie sexuelle, votre partenaire demande que vous lui uriniez sur le corps ».
  2. ce jeu est à utiliser avec des élèves du secondaire à partir de la fin de deuxième année.
  3. Il est impératif de prévoir la présence d’un professionnel avec soi mais aussi de réfléchir à un avant et un après la séance.

Et en y regarde de plus près, il y a bien d’autres thématiques d’actualités à aborder grâce à ces cartes comme « Un-e de vos ami-e-s deale de la drogue », « Votre enfant vous annonce son homosexualité », « Votre ami raconte une blague raciste », « Vous apprenez que le leader d’un mouvement féministe est un homme » ou encore « Le parti au pouvoir propose de rétablir la peine de mort ».

La version « Révélations » prend tout son sens quand l’enseignant est amené à devoir aborder ce type de sujet sans avoir des professionnels à ses côtés. Même si les professionnels du domaine comme O’Yes peuvent utiliser le jeu. D’autant plus, la question de l’EVRAS ne devra plus être cantonnée et dédiée uniquement au professeur de matière scientifique mais s’ouvrira à d’autres branches comme le français, le cours de CPC ou encore de sciences sociales. Il est plus qu’important de développer la prise de conscience de ses émotions auprès de nos élèves dans le cadre de leur vie relationnelle et affective. Nous sommes trop souvent confrontés à des situations de plus en plus complexes à ce sujet et pour lesquelles nous sommes totalement désarmés entraînant une certaine forme de maladresses de notre part.

Il est important de rappeler qu’il y a une circulaire de la FWB sur la thématique de l’EVRAS comme cela est souligné « Le projet EVRAS gagne à être intégré dans un projet d’établissement « actualisé et vécu » qui intègre diverses composantes du bien-être reconnues comme partie intégrante des missions éducatives de l’école et comme étroitement liées à la réussite scolaire. De même, le projet EVRAS prendra davantage de sens dans la mesure où il s’inscrit dans la dynamique du projet du Centre PMS et, le cas échéant, du Services PSE […] L’EVRAS fait partie des missions de l’école et s’inscrit dans le projet d’établissement. Elle gagne à être portée par l’ensemble de la communauté scolaire (direction, enseignants, éducateurs, jeunes, parents,…). »

Ludique ou pas ?

Je terminerai sur ce point. Il est clair que ce jeu amène une bonne dose de fun quand on l’utilise en soirée avec des potes. On va être surpris du choix de l’émotion de ses potes ou encore de son partenaire… Maintenant, la plupart du temps, ce jeu amène des discussions autour de la table et permet de rester éveillé jusqu’au bout de la nuit en apprenant à mieux connaître ses ami(e)s mais surtout à mieux se connaître soi !